INTERCULTUREL

La médiation est sans aucun doute une pratique universelle et on en trouve des traces à toutes les époques, dans tous les continents et dans toutes les cultures, depuis la Grèce antique, en Chine, avec la palabre en Afrique et dans certaines communautés nord- américaines. Par ailleurs, sous toutes les latitudes, de nombreux contes et récits de querelles relatent l’intervention d’un médiateur. Nos jeunes médiateurs savent combien sont nombreux les conflits dus à des malentendus ; ils savent que le simple récit d’une situation peut suffire à éclairer les points de vue et ils savent aussi combien les différences de cultures peuvent engendrer de différents.
Aussi la question se pose-t-elle lors de la formation des jeunes à la gestion non-violente des conflits, faut- il prendre en compte de façon nette les différentes cultures ou au contraire vaut- il mieux proposer la même démarche et les mêmes exercices à tous nos jeunes en permettant un partage qui fera découvrir à chacun d’autres façons d’être et de faire ? C’est la seconde option que nous avons choisie et l’un de nos exercices de prédilection pour ouvrir à la différence est celui de la maison en feu.

Cette activité consiste, après
une mise en condition, à amener chaque participant à faire le choix d’un objet unique qu’il
garderait si leur maison disparaissait.
Les choix sont très souvent identiques mais sont aussi parfois très surprenants et nous en avons fait toutes les deux l’expérience avec nos futurs médiateurs.
Les choix sont très souvent identiques mais sont aussi parfois très surprenants et nous en avons fait toutes les deux l’expérience avec nos futurs médiateurs.
- Pour Dalila c’est le souvenir très fort d’un élève, Moussa, au collège les Plaisances de Mantes-la-Ville, dont les parents étaient de nationalité algérienne et qui avait choisi comme objet à sauver «les papiers de mes parents». Après un moment d’incompréhension voire de moquerie amicale d’élèves « français de souche », Moussa gêné, s’est attaché à expliquer pourquoi c’était important pour lui. Il a dit le départ du pays de ses parents, les difficultés, une fois arrivés en France, l’attente infinie pour obtenir un récépissé de carte de séjour provisoire, l’impossibilité de travailler pour ses parents et de subvenir correctement aux besoins de la famille, etc.…un inventaire de difficultés quotidiennes que sa famille et lui avaient endurées de façon quasi-traumatique et que Moussa ne souhaitait revivre pour rien au monde. Sous le regard d’abord perplexe puis curieux et intéressé de ses camarades, Moussa nous racontait la situation en Algérie, l’exil, les liens avec la France, la famille arrivée quelques années auparavant et puis les liens plus historiques avec la France. En quelques phrases il soulevait un pan de l’histoire de France passée et contemporaine, histoire que la plupart ignorait et/ou ne soupçonnait pas.
- De la même façon pour Brigitte c’est le souvenir, dans une école des Mureaux, d’une fillette d’origine africaine qui, en CM2, avait choisi de sauver son cartable.
- Elle aussi avait expliqué à ses camarades combien cet objet, et surtout son contenu, étaient précieux, bien consciente qu’ils représentaient pour elle une véritable chance, celle de réussir à l’école puis de trouver unmétier et de pouvoir aider ses parents analphabètes. Quelle belle réflexion pour certains de ses camarades qui venaient à l’école en trainant les pieds
- Par contre il y a des sauvetages d’objets sur lesquels tous les jeunes, quelle que soit leur origine, se retrouvent : il s’agit d’un bijou, collier, bracelet, bague….que la grand-mère donne à sa petite fille et celle-ci décrit ce moment avec émotion, se projetant dans l’avenir et s’imaginant déjà le confier à son tour à sa fille ou à sa petite fille. Quelle surprise pour les élèves de s’apercevoir qu’ils partagent ces mêmes valeurs dans des familles qui peuvent paraitre si différentes !
Les exemples sont nombreux où tantôt les élèves sont amenés à percevoir leurs différences de référence, de valeurs ou de centres d’intérêt, tantôt à mesurer combien, au-delà de leurs différences, ils se ressemblent et peuvent vivre ensemble. Une fois, qu’ils ont eu ce précieux temps de parole où ils se sont écoutés et le plus souvent compris, la différence n’effraie pas, n’éloigne pas.
Dans un contexte global où la différence peut être synonyme de repli sur soi, voire de communautarisme excessif, il semble utile d’offrir ce temps d’échange dans les écoles où l’on apprend à se rencontrer et s’accepter mutuellement sans se renier pour autant.